lundi 21 décembre 2015

Six Pack



Durant l’été 1990 4 lycéens Olivier, Eddy, Max et Maz fans de hardcore mélodique (entre Dag nasty et Descendents) forment Six pack (nom tiré d’une Bd Love and rockets et surtout faisant référence aux groupe Black flag. Maz quitte le groupe après une démo et en 1992 Salim prend sa place au chant. Le line-up se compose ainsi de Olivier : guitare, Eddy : basse, Max : batterie et Salim au chant. Quelques mois plus tard le premier concert officiel à lieu c’est l’émergence d’un nouvelle scène stéphanoise relatée par les fanzines tels que Violences et Tranzophobia. 1 ans après la première véritable démo «Way out» voit le jour. En 1995 les deux premiers 45t du groupe sortent et en 1996 le premier cd «Doubt an other felling» sort chez Spliff rds. C’est le début d’une aventure pour Six pack car entre les participations à des compiles, des premières parties (Les Thugs, Snuff, etc...) et la sortie d’un deuxième cd «Reading history en 1998 laisse supposer qu’une grand aventure attend le groupe. Mais surprise en cette même année le groupe annonce la séparation. Alors usure, dissidence interne, écoutons les membres du groupe ce qu’ils ont à nous raconter au travers de cette interview passionnante et surprenante.

1. Revenons en arrière : j’aimerais savoir ce qui vous a poussé à créer Sixpack, y-a-t-il eu un élément déclencheur à cela ?
«J’ai essayé de m’inscrire au club de ping-pong, mais ils m’ont foutu à la porte» (What’s my name ?, The Clash, 1er album). Quoi de mieux qu’un groupe pour exprimer ses joies, frustrations, colères, peines...? Voilà pour les éléments déclencheurs. Sixpack n’était pas notre premier essai, on avait tous individuellement essayé de jouer avec d’autres groupes, et celui-ci fut le premier à prendre véritablement forme. Si ça n’avait pas fonctionné, on se serait peut-être inscrit au club de sport local : à défaut d’exprimer nos sentiments, on aurait tenté de les noyer dans la sueur, mais ce n’était franchement pas notre truc. Peut-être la drogue... ?

2. Comment est né le nom et qui étaient les membres au départ ?
Eddy, Max et moi y sommes depuis le début (1990). Le premier chanteur était Maz (du fanzine Meantime, plus tard chanteur chez Perfect Cousins puis Protex Blue, aujourd’hui Zero Gain). C’est lui qui est à l’origine du nom, trouvé dans «Love & Rockets», une BD des frères Hernandez : c’est une référence évidente à Black Flag, mais ça, on ne le savait même pas au départ. Pourtant, le style se voulait déjà clairement axé hard-core américain.

3. Vous vous êtes formés en 1990. A cette époque certaines personnes disaient qu’il existait deux joyaux à Saint-Etienne, un joueur de football (Moravcik) et le groupe Sixpack. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
Précision : trois joyaux avec le Temple de l’A.N.P.E. qui fut le monument le plus visité par les stéphanois à cette glorieuse époque. Si mes souvenirs sont bons, l’A.S.S.E. a alors glissé en 2ème division, quant à Sixpack, combien de personnes possèdent encore un album à la maison ?

4. En 1992, Salim (chant-guitare) vous rejoints. Petite révolution ou simplement divergences au sein du groupe ?
Tu es effectivement bien renseigné. Notre premier chanteur était parti une année plus tôt et on cherchait vainement son remplaçant, trouvé... par petite annonce à la fac ! ça a collé dès les premières répétitions, même si les références musicales n’étaient pas vraiment communes. Ce qui finalement s’avère plutôt être un atout.

5. Cette époque très prolifique musicalement a fait surgir d’autres groupes dans toute la France, il y avait aussi des fanzines, des labels, tout le monde se connaissait, c’était la débrouille totale sans internet et tout ce qui va avec. Comment avez-vous perçu tout cela en tant que groupe et surtout dans votre ville (St. Étienne) où là aussi, c’était un peu la folie ?
Excellents souvenirs de cette époque où soudainement, toute une génération élevée au punk durant les 80’s a pris les commandes et a commencé à appliquer les préceptes D.I.Y. portés par cette forme de culture. De 40 que nous étions aux concerts, nous nous sommes soudainement trouvés 200. Pour un zine vers la fin des 80’s, il s’en est trouvé 10 fois plus. Idem pour les groupes, les labels, les organisateurs... Il se passait un peu partout la même chose, et pas que dans les grandes villes. C’était exaltant ! Les moyens étaient certes limités comparés à aujourd’hui, mais comme la poste, les photocopieuses, les formations en PAO, les bandes magnétiques et l’électricité avaient déjà été inventés, c’était au fond largement suffisant pour créer quelque chose. Surtout pour un mouvement qui prétend créer à partir de rien ! Oui, il n’y avait pas les interactions dues au numérique, mais déjà des réseaux sociaux bien plus qu’embryonnaires. Personnellement, c’est surtout cette impression d’avoir vécu quelque chose d’authentique qui prédomine aujourd’hui, décidée par nous-même et non pas préfabriquée par la culture de masse. Mais peut-être qu’on enjolive les souvenirs avec le temps...

6. Pouvez-vous nous parler de vos deux albums «Doubt & other feelings» (Spliff rds) en 1996 et «Reading history» (Spliff rds) en 1998 ?
Après quelques splits 45t. et diverses participations à des compilations, des auvergnats forts sympathiques (Spliff rds) sont venus frapper à notre porte pour nous proposer d’enregistrer un album entier. Notons que les versions LP ont été réalisées par NRV prod. qui nous ont également beaucoup soutenus (d’ailleurs, et c’est bien là notre chance : beaucoup de monde s’est impliqué dans notre projet, et souvent de façon tout à fait désintéressée. Plus que désintéressée même : de façon déficitaire !). Le premier album est plutôt vu comme une agrégation de titres que nous avions pu écrire en 4 ans, depuis que Salim nous avait rejoints. On a dû investir nos économies pour l’enregistrer 2 fois, tellement qu’on se trouvait nul sur la première session ! Le second est à mon goût plus compact, plus cohérent et structuré, enregistré avec Eric et Wilo (de Condense) qui nous ont apportés une approche moins... euh... «je-m’en-foutiste» dans le son et le jeu, ce qui ne nous faisait pas de mal. Comme les titres se trouvent avoir été composés sur l’année précédent l’enregistrement, il y a une unité indéniable, un propos plus cohérent et moins léger (au regret de certains) que le 1er.

7. Pour la majorité d’entre nous, c’étaient des chefs d’oeuvre musicaux. Avec le recul, comment les jugez-vous ?
Je les réécoute rarement...Surtout le premier que je trouve un peu faible dans la composition et limité dans l’interprétation (certes, j’avais déjà cette impression à sa sortie). Quand je le pose sur ma platine, c’est surtout par nostalgie. Comme je le disais précédemment, il m’est arrivé d’écouter le second avec beaucoup plus d’intérêt. Mais qu’est-ce que l’écriture peut être compliquée des fois, et pour mener à pas grand chose au final ! J’aime le second pour ce qu’il a représenté : un groupe impliqué qui répète quotidiennement, se casse la tête sur ses compos (et manque, il est vrai, de recul), vit quasiment ensemble, décide ensemble, voyage ensemble, se prend le chou, débat, etc. Une fois chez moi, je continuais à penser au groupe : courrier, prise de contacts avec les asso, VPC, et bien sûr : compositions nouvelles. C’est surtout pour des raisons extra-musicales que j’apprécie la réécoute des disques.

8. J’imagine que vous avez des influences, les deux groupes qui revenaient souvent par rapport à Sixpack, c’était Hüsker Dü et Moving Targets. Y en avait-il d’autres et que pensez vous de ces comparaisons ?
La comparaison est évidemment compréhensible : voix de Salim et de Bob Mould assez proches, accords de guitares ouverts et sonorités diffuses, etc. Toutefois, nous avons d’autres références communes : Fugazi, Samiam, Clash... Je pense aussi à Cure qu’on a tous adoré dans notre adolescence, Joy Division, les Thugs. Bref, rien de très étonnant en soi pour un groupe punk hc français des 90’s. On pourrait aussi citer quelques pointures des sixties -plus communes- avec lesquels on a grandi et Jacques Brel (pour de vrai).

9. Quelques mois après, c’est l’arrêt du groupe, mais vous réapparaissez avec un nouveau projet (Wei-Ji, avec les mêmes membres). Pourquoi ce choix de changer de nom et quelle était la différence entre les deux groupes ?
Sixpack s’est arrêté probablement car le cadre devenait étouffant, certain(s?) voulant s’épanouir davantage en dehors du groupe et... ça n’a pas semblé fonctionner aussi bien les uns sans les autres. L’idée de se retrouver est née peu de temps après. Comme un couple qui se sépare temporairement puis se réconcilie, on a essayé de reconstruire sur des bases nouvelles : autre nom, autre répertoire, influences élargies, etc. Tout tenter pour ne pas retrouver les anciens réflexes qui nous enferment. Et c’était plutôt bien parti...


10. Avec Wei-Ji, vous avez sorti un 45t., un CD 4 titres et des titres sur la BO du film «Baise-moi» de Virginie Despentes. Comment vous est venue cette collaboration pour la BO ?
Depuis plusieurs années, on était pas mal lié au «milieu» lyonnais (groupes, assos, studio, etc.) dans lequel gravitait déjà Virginie Despentes. Elle nous a vus plusieurs fois en concert au Pezner et je pense que Salim et elle se connaissait. Wilo (ingé-son du 2eme album) était chargé de la BO du film, il a pensé que nous aurions notre place et nous a donc contactés. Je crois que c’est comme cela que les choses se sont passées.

11. C’était quand même un bon coup de pouce pour le groupe, non ? + 13. Un mot sur l’arrêt définitif de Wei-Ji ?
Mazette, oui ! On ouvrait pour Samiam et At the Drive-in, si c’est pas des bonnes opportunités, ça... Mais c’est là qu’on a décidé de mettre fin à l’aventure, c’est con ! On sentait bien que chacun aurait davantage voulu prendre le large. Et puis, l’accident du batteur concernant ses oreilles a tout précipité : impossible pour lui de répéter, impossible pour nous d’imaginer continuer ce groupe sans lui. Bon, il dira (ronchonnera) qu’on a bien tenté de remonter l’affaire 4 ans plus tard avec un autre batteur : il n’en est rien ! Aucune intention dès le départ de composer de nouveaux titres, aucune intention de continuer le groupe après cette mini-tournée d’adieu.

14. Avez-vous eu d’autres projets musicaux après cet arrêt ?
Salim a continué sous le nom de Busyman jusqu’en 2007, Eddy et moi avons chacun joué dans d’obscurs groupes locaux (au moins aussi obscurs que Sixpack). Max ne peut plus jouer. Bref, on vit sur nos acquis...

12. En 2005, une compilation a vu le jour pour Sixpack, «Bound to fail 1992-2000» chez Dumb Inc. Rds. Une piqure de rappel. Comment avez-vous choisi les titres ?
Encore un sympathique Clermontois qui s’implique pour perdre de l’argent dans un de nos projets ! On avait l’idée de regrouper tous les titres de Sixpack sortis hors album (split single, compilations, démo) sur un seul disque : Steph (Rad Party) s’est chargé de la très belle pochette, notre pote Zaz de la re-masterisation et nous des textes de présentation. C’était pour clore le truc proprement, il ne manque que quelques titres du tout début, mais presque tout y est. La sortie du disque avait aussi pour but d’accompagner la promo pour nos dernières dates. Elle est téléchargeable gratuitement (voir notre page Facebook).

15. En 2015, vous revoilà revenus sur le devant de la scène puisque le label Nineteen Something ressort vos albums ? Comment avez-vous réagi quand Franck et Eric vous l’ont proposé ?
Le fait d’être réédité fait toujours plaisir ! Franck avait sorti nos premiers disques en 1994 avec son label Bonanza, la boucle est donc... Quant à Eric, hein, bon... les Thugs, ça nous touche forcément qu’il s’intéresse à nous. Projet intéressant qu’à Nineteen Something de numériser d’anciens groupes pour les mettre à disposition du plus grand nombre. Revenus sur le devant de la scène ? N’exagérons rien, si on arrive à nous trouver en coulisses, ça ne sera déjà pas mal.

16. Cela va permettre à des personnes de vous découvrir, qu’en pensez-vous ?
Si c’est le cas, tant mieux. Mais il y a tellement de trucs à dénicher sur le net... Ce qui est étonnant, c’est le nombre de téléchargements réalisés depuis que nous avions mis les albums et raretés en ligne de façon pourtant confidentielle (avant d’être réédités par NS) : un peu plus de 800 pour l’ensemble des productions. Certes, tout est relatif, ça n’a rien d’extraordinaire et en plus c’est gratuit, mais ça prouve effectivement qu’il existe un intérêt pour un groupe qui ne joue plus depuis longtemps.

17. Est-ce qu’un jour on aura l’occasion de revoir Sixpack ou Wei-Ji sur scène ?
A moins de gros progrès technologiques ou médicaux pour protéger les oreilles de Max, je ne crois pas. Il faudrait aussi que ça ait du sens, pour nous, pour ceux qui écouteront. En attendant (quoi ? Je ne sais pas), vous pouvez toujours jeter un oeil à notre page (facebook.com/sixpack.weiji), trouver des liens pour télécharger la compilation ou écouter les albums en streaming, voir des vidéos de concerts, etc.

https://fr-fr.facebook.com/sixpack.weiji/
nineteensomething.fr/
https://www.facebook.com/nineteensomething/

Interview : Jean-Louis

Photos : DR

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire